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Michel Naudy : mort du prisonnier politique de France Télévision

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« Michel Naudy, journaliste et militant communiste, avait lancé en 1995 une éphémère émission de critique télé sur France 3 Île-de-France, Droit de regard, rappelle @rrêt sur images. Salarié par la chaîne mais placardisé depuis dix-sept ans, il a été retrouvé mort à son domicile le 2 décembre à l’âge de soixante ans. La gendarmerie privilégie l’hypothèse du suicide. » Moins neutre, le titre de l’article, tout en capitales : MICHEL NAUDY, MORT EMBARRASSANTE D’UN JOURNALISTE EMBARRASSANT. Dix-sept ans de placard, mais comment est-ce possible ? Et pour quelle raison ? Parce qu’il était communiste ? Eh bien oui. Lisons un autre extrait de l’article signé Laure Daussy : « Naudy avait conservé le statut de rédacteur en chef national, sans affectation. Régulièrement, il demandait un poste à sa direction. La CGT envoyait aussi chaque année un courrier à la DRH, auquel on répondait qu’aucun poste ne correspondait à sa fonction de rédacteur en chef national. En 2008 ou 2009, alors qu’un poste de chef du service politique national de France 3 se libérait, il postula avec le soutien de la CGT devant la commission paritaire. « La commission a été très violente ». On lui aurait alors signifié qu’il ne pouvait avoir ce poste en raison de sa proximité avec le parti communiste, comme l’indique ce communiqué du SNJ-CGT publié sur Acrimed. « Il s’agit d’une discrimination professionnelle et politique », souligne notre source. » Alors, suicidé à cause du harcèlement moral permanent que représente une mise au placard ? Plausible.

Eh bien figurez-vous que le mot de « placard » n’est pas même mentionné dans l’article du Figaro annonçant le décès (ils sont vraiment très forts, au Figaro) : « Le journaliste et homme politique de gauche Michel Naudy, âgé de 60 ans, a été retrouvé mort, atteint d’une balle dans la tête, hier soir à son domicile d’Ascou (Ariège), a-t-on appris lundi auprès des gendarmes, qui privilégient la piste du suicide. Ancien chef du service politique du quotidien l’Humanité, puis cofondateur et rédacteur en chef de l’hebdomadaire Politis, Michel Naudy avait ensuite été journaliste à France 3 à partir de 1981, jusqu’à devenir rédacteur en chef de la rédaction nationale. Le syndicat des journalistes CGT de France télévisions a salué sa mémoire aujourd’hui en déclarant: « Michel faisait honneur au journalisme d’investigation, au journalisme d’analyses et d’éditos, enfonçant les clous là où ça faisait mal. Le lutteur a décidé d’en finir ». Le syndicat écrit dans un communiqué qu’il avait été « débarqué de son poste, censuré » puis avait « démissionné de ses responsabilités en 1995″. Il était depuis sans affectation. Michel Naudy était engagé dans divers mouvements politiques en Ariège depuis une dizaine d’années. Il avait été candidat malheureux sous l’étiquette PCF aux législatives de 2007 dans la circonscription de Pamiers-Saint-Girons. Avec le Cercle Lakanal qu’il avait fondé il y a quelques années, Michel Naudy s’en était pris à plusieurs reprises à la régularité de la gestion du conseil général socialiste. » On voit que le quotidien de droite évacue prestement le sujet de la discrimination politique, par une simple allusion dans la bouche – forcément suspecte – de ses camarades syndicaux. Mais surprise sur Libération : le même papier ! Il est en fait signé par l’AFP. Pas la première fois que l’Agence France Propagande se distingue en partialité (de droite), ainsi que le condamnait déjà en septembre 2010 le SNJ-CGT. Lisons justement la conclusion de l’adieu à Michel Naudy signé par le SNJ-CGT, au titre poignant, Adieu Michel, ils ont pris ta voix…« Durant toutes ces années, malgré sa grande honnêteté intellectuelle, sa rigueur, quelques-uns en interne et en externe ne lui pardonneront jamais ses engagements de journaliste-citoyen. Il sera débarqué de son poste, trouvera refuge à France 3 Île-de-France avant qu’une nouvelle fois son magazine Droit de regard ne soit censuré, en mai 1995, pour avoir exprimé une critique sur la couverture par France 2 du second tour de l’élection présidentielle. C’en était trop, Michel démissionnait de ses responsabilités. Depuis, voilà plus de quinze ans, il attendait que la direction de France 3, puis de France Télévisions, honore son contrat de travail. (…) Les nombreuses interpellations de notre syndicat pour que les directions successives lui donnent du travail s’étaient toutes avérées infructueuses. Aujourd’hui, certains devraient avoir honte de se regarder dans une glace… Adieu Michel, le monde du journalisme est en deuil. »

Bien triste fin de parcours en effet. Mais une stupéfiante thèse s’esquisse en chute de l’article d’@rrêt sur images, où est cité « un ancien proche » de Michel Naudy, Jean-Pierre Petitguillaume, avec qui il avait fondé un cercle pour traquer la corruption parmi les élus (« socialistes ») de leur région, l’Ariège. A raison semble-t-il : trois d’entre eux ont été mis en examen… Que dit-il ? « Petitguillaume refuse de croire à la thèse du suicide, privilégiée pour l’heure par la gendarmerie. Naudy lui aurait lancé : « Si un jour tu apprends que je me suis suicidé, demande une enquête. » Une autopsie devrait être effectuée dans les prochains jours. »

Hommage

Le web-magazine Le Bal cite une autre phrase du SNJ-CGT, qui nous rend le défunt confrère si proche (sans la moustache) : « On n’entendra plus la voix teintée d’accent de son Ariège natale ; on ne verra plus la moustache indignée de ses accès de fureur contre les adeptes du consensus mou dans la profession ou fustigeant les dérives de la gauche néo-libérale ». Hommage lui est rendu par Acrimed« Avant son suicide, une des dernières interventions de notre ami Michel Naudy fut l’entretien qu’il a accordé aux réalisateurs des Nouveaux Chiens de garde »La participation de Naudy à cet excellent film est donc l’ultime expression de son engagement. Livrons-en la substance en sa mémoire, résumée par le blog chemins de traverse« En 1997, Serge Halimi (aujourd’hui directeur du Monde diplomatique), publie Les nouveaux chiens de garde, essai préfacé par Pierre Bourdieu, qui présente une analyse sur la collusion existante entre pouvoirs médiatiques, politiques et économiques, les journalistes étant selon lui les porte-paroles d’une pensée unique puisqu’au service uniquement de la classe dominante. » Du livre est tiré ce film, dans lequel Naudy livre son testament, compilé par Acrimed qui le résume d’une phrase, mise en exergue sous l’extrait vidéo : « Il n’y pas d’alternative. Le système jette, rejette, tout ce qu’il ne peut pas récupérer. Vous ne restez jamais à l’antenne impunément, jamais ».


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